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Rencontres avec Franck Piantoni, Pierre Thibault et François Delarozière

Franck Piantoni et ses véhicules extraordinaires

Qu’est-ce qui vous inspire ?

Mes sources d’inspiration viennent souvent de la mer, comme avec mon château « bulot ». En général, j’associe une forme ou un animal à une histoire. J’essaie toujours d’avoir un début de récit qui me sert de point de départ pour créer. Souvent, j’ai une idée : je construis une histoire autour, puis je réalise un croquis, qui devient un véhicule ou un concept. Je fais tout de A à Z. J’essaie de limiter les interventions extérieures et de maîtriser un maximum de savoir-faire moi-même. Il m’arrive aussi d’incorporer des morceaux d’objets recyclés.

Mes créations naissent généralement d’une idée simple. Par exemple : je me dis « tiens, je vais faire un bulot ». Puis : « un bulot qui se déplace ». Ensuite :  « à quoi ça pourrait servir ? » Et petit à petit, l’objet prend forme dans mon imaginaire. Dans ce cas-là, je me suis imaginé une promenade sur la plage, et le bulot est devenu un camping-car à vapeur.
Parfois, l’objet part d’une histoire ; parfois, c’est l’histoire qui naît de l’objet. Ensuite, les idées se déclinent, se transforment.

J’aime bien garder une certaine cohérence réaliste, même dans l’imaginaire. Par exemple, les dates que j’indique sur les cartels (1898, 1878, etc.) doivent correspondre à des époques précises. Je m’inspire des avancées technologiques de la période 1850-1900, et j’essaie de rester crédible par rapport à ces références.

Quand j’attribue des noms à mes personnages, ce sont souvent des clins d’œil aux romans de Jules Verne, un univers que j’admire énormément. Jules Verne s’inspirait lui aussi des technologies de son temps, et ses machines fonctionnaient avec une logique bien à lui. J’essaie parfois de créer des liens entre mes histoires, de les relier dans un même univers.
Les noms de mes œuvres, quant à eux, viennent souvent du latin, notamment de noms d’animaux (comme Sternoptyx).

Mon parcours

J’ai fait beaucoup de choses avant de savoir ce que je ne voulais pas faire.
J’ai commencé par l’informatique industrielle. Mon père et mon grand-père étaient de grands bricoleurs, et cela m’a beaucoup influencé. J’ai été profondément marqué par le Musée de la Marine, ainsi que par le dessinateur Tardi (Adèle Blanc-Sec), avec ses illustrations en gravures qui m’ont laissé une forte impression.

L’informatique industrielle ne me convenait pas totalement — ce n’était pas assez manuel — mais j’en ai conservé des compétences utiles : la conception de plans, la modélisation 3D, etc. Ensuite, j’ai touché un peu à tout : modélisme, bâtiment, plomberie… Tous ces savoir-faire me servent aujourd’hui dans mes créations.

Cela fait maintenant un peu plus de dix ans que cette activité est devenue mon métier principal. Je fais énormément de croquis avant de passer à la phase de fabrication. C’est un processus complet, où chaque étape nourrit la suivante.

Pierre Thibault et ses créations aériennes en papier

Comment avez-vous eu connaissance de l’exposition et qu’est-ce qui vous a donné envie d’y participer ?

C’est Lisa Secheresse, la commissaire d’exposition, qui m’a invité. L’univers de Jules Verne m’inspire depuis longtemps. En tant que Nantais, on ne peut pas ignorer Jules Verne : la ville lui rend sans cesse hommage, notamment à travers les Machines de l’île. Je suis d’ailleurs le travail de François Delarozière depuis longtemps.

Ce qui m’inspire, c’est à la fois Jules Verne, l’univers steampunk, les inventions, l’ingénierie… et aussi le graphisme des voitures de sport. Avant le Covid, je réalisais toutes mes maquettes en blanc, car j’aimais la façon dont la texture du papier se révélait, comme une dentelle. Je trouvais que cela mettait mieux en valeur la stylisation. Après le Covid, j’ai commencé à dessiner et à créer des maquettes en couleur, à expérimenter. Ce que j’aime, c’est justement la surprise : jouer avec les textures, les effets mats ou brillants, la transparence…

Cela fait maintenant onze ans que je crée des œuvres en papier. J’ai fait une école de dessin à Nantes, l’école Pivot. À l’origine, je voulais devenir designer automobile, mais j’ai finalement choisi le graphisme. J’ai toujours aimé les pylônes électriques : pour moi, c’est de la dentelle, de petites tours Eiffel. Tout ce qui est structure apparente m’attire, et on retrouve cet aspect dans mes créations, notamment dans l’Albatros. Cela apporte du détail, de la finesse, de la sensibilité.

Pour l’Albatros, j’ai mis environ un mois et demi, mais cela varie selon les projets. Mon processus créatif commence toujours par de nombreux croquis, à la recherche d’une forme qui me plaise. Ce que j’aime dans le travail du papier, c’est que tout n’est pas possible : par exemple, créer une sphère en papier est très difficile. Je dessine toujours des formes que je sais pouvoir fabriquer.

Vient ensuite une phase de recherche pour trouver comment réaliser la structure, puis le choix des couleurs. Quand tout est clair dans ma tête, je passe sur ordinateur pour dessiner mes plans à plat — je n’utilise pas de logiciel 3D. Après la découpe, que je fais à la machine, je monte les volumes : c’est toujours magique de voir le papier plat prendre vie.

Je tiens à ce que mes créations soient entièrement en papier. J’adore travailler les structures : elles donnent une impression de légèreté et de fragilité, mais en réalité, elles sont bien plus solides qu’on ne l’imagine.

François Delarozière et ses créatures mécaniques monumentales (interview retravaillée)

Quand l’imaginaire de Jules Verne croise l’univers des Machines

C’est un dialogue entre deux imaginaires : celui de Jules Verne et celui de François Delarozière. Le créateur des Machines de l’île, connu pour ses animaux mécaniques monumentaux, participe à l’exposition consacrée à l’univers vernien. Une rencontre qui, à première vue, n’allait pas de soi. « Le thème de Jules Verne peut me concerner, mais ce n’est pas une référence directe à mon travail », confie François Delarozière. « Pourtant, son univers fait partie de notre imaginaire collectif. On a tous grandi avec ses images, ses machines, ses rêves de voyages. J’ai accepté de participer à cette exposition parce qu’elle offre un contre-pied intéressant : il ne s’agit pas de simples illustrations de Verne, mais d’une extension de son imaginaire — celui d’un début de XXᵉ siècle où l’industrie, la recherche et la science bouleversaient notre façon de penser, de rêver, de nous déplacer. » Ce qui séduit François Delarozière chez Jules Verne, ce n’est pas tant la plume de l’écrivain que l’univers visuel né de ses récits. « Je suis amoureux des gravures issues de son monde et des représentations qu’on a faites de ses écrits. Ce n’est pas Jules Verne l’illustrateur qui m’intéresse, mais la façon dont d’autres ont interprété et matérialisé son univers mental. À cette époque, les inventeurs rivalisaient d’audace : on imaginait mille façons de voyager dans les airs ou sous l’eau. Cette effervescence me fascine. »

Des machines entre rêve et réalité

Dans l’exposition, Delarozière présente plusieurs œuvres emblématiques de son univers mécanique. Parmi elles, l’Ours polaire, une maquette articulée de 85 cm de haut, conçue à l’origine pour Madrid, qui atteindra à terme entre 7 et 18 mètres lorsqu’elle sera dressée sur ses pattes. Autour de cette pièce trônent dessins, croquis et maquettes d’autres créations, réalisées ou restées à l’état de projet, comme le Minotaure. Artiste mais aussi concepteur pour les collectivités, Delarozière formalise toujours ses idées par le dessin. On découvre ainsi toute une galerie d’engins articulés, parfois ludiques, parfois poétiques : une catapulte à pains, un bras mécanique pour servir le vin, ou encore d’autres machines « domestiques » que le créateur qualifie malicieusement de « très pratiques ». Parmi les œuvres exposées, un engin volant doté de deux ailes mécanisées attire les regards. Installé devant le vaste croquis de l’Aéroflorale 2, une machine volante de quinze mètres de haut, Delarozière en fait la démonstration : « Cet appareil servira aux chercheurs de l’Aéroflorale pour leurs missions de reconnaissance au sol. C’est dangereux, il peut filer à 200 km/h ! », plaisante-t-il, tout en actionnant l’engin. À l’écouter, on se surprend à y croire. Car chez François Delarozière, comme chez Jules Verne, la frontière entre le rêve et la réalité est ténue. Et c’est sans doute là que réside la magie de cette rencontre : dans cette conviction tranquille que les machines les plus folles peuvent un jour prendre vie.

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